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« Les Médias
Mobiles Libres :
logiques alternatives d'innovation et d'usage sur le front des technologies
de la mobilité »
Laurence Allard, Olivier Blondeau
Université Lille 3, France
Cette proposition s'attachera plus particulièrement aux relations
entre les groupes de télécommunication et opérateurs
de téléphonie et des activistes qui se réapproprient
les technologies de la mobilité pour développer des
projets de "médias mobiles libres".
En rappelant différentes expérimentations de part le
monde - Blasterisk against torture, nous nous centrerons sur un terrain
d'observation français avec un projet "Blast_Castons le
DADVSI". A l'occasion du débat sur le projet de loi "Droits
d'auteur, droits voisins dans la Société de l'Information
en mars 2006, a été développée une expérimentation
de "zone autonome de téléphonie libérée"
permettant de suivre en direct les débats via des messages
vocaux postés sur un blog ou depuis un numéro de téléphone
(DID acheté pour 3 dollars...).
Partant du constat que le modèle économique des opérateurs
de téléphonie en matière d'interopérabilité
du web et du mobile consistent à faire facturer des usages
développés par ailleurs (accès aux contenus du
web qui sont souvent auto-produits), ce collectif a développé
une expérimentation qui s’appuie sur la VoIP (Voix sur
IP) en utilisant le logiciel libre Asterisk, qui est capable de gérer
l’ensemble des protocoles traditionnels de la téléphonie
des plus classiques aux plus innovants, messagerie vocale, wap, visioconférence,
salle de conférence. Une de ses caractéristiques est
de permettre par ailleurs de poster des messages vocaux sur le Web
via un blog, rendant possible la syndication des messages et de les
podcaster. Ils ont enfin proposé une offre gratuite de contenus
pour mobile (vidéo 3 G et sonneries de téléphone)
afin de pointer la stratégie de monopolisation des catalogues
des majors de l'industrie de contenus, notamment son investissement
récent dans la production cinématographique. Ainsi,
c'est sur le terrain hautement stratégique même du développement
de média mobile que semble s'être placée cette
coalition d'activistes du copyright et du logiciel libre, de développeurs
et d'usagers de la téléphonie mobile.
En nous livrant à une ethnographie contextualisée de
cette expérimentation, à laquelle nous avons été
associés en tant que sociologues et spécialistes des
industries culturelles, nous mettrons à jour les usages et
formes de réappropriation des innovations en matière
de téléphonie et les propositions alternatives aux stratégies
industrielles des Telcos, émanant de coalition originale d'activistes,
développeurs ou usagers venant configurer, via de telles expérimentations
techno-sociales, des modèles socio-économiques originaux
de convergence des médias, ainsi que des logiques d'innovations
socio-technologiques "pour et par le bas", en paraphrasant
E. Van Hippel.
« Les contenus autoproduits : vers
une régénérescence des industries culturelles
par l'amateurisme ? »
Franck Leard, Marin Ledun
France Telecom R&D, Issy-Les-Moulineaux, France >>> Télécharger le texte de la communication
Le fonctionnement des industries culturelles est marqué par
un intérêt croissant pour les pratiques, les productions
et les multiples innovations (sociales et techniques) émanant
des utilisateurs eux-mêmes. Comprendre l'intérêt
des industriels pour les contenus autoproduits suppose d'analyser
les multiples réappropriations des objets techniques, mais
aussi de saisir la genèse particulière de leurs propres
créations. Cette orientation impose de fait le renouvellement
des approches méthodologiques, passant désormais par
la compréhension affinée de l'expérience sociale
de l'utilisateur. Autrement dit, il s'agit d'être à même
de saisir de manière plus significative comment se structure
une pratique, avec pour objet, l'intégration en amont du client/utilisateur/consommateur
à la conception des services et des produits. A travers les
exemples de l'autoproduction de contenus musicaux, des licences alternatives
de propriété intellectuelle (Creative Commons) ou encore
des réappropriations particulières des "mélomanes
numériques" (podcasting, audio-blogs, web radios…),
nous tenterons dans un premier temps de mettre en évidence
les remaniements de l'architecture du système de diffusion
des biens symboliques que connaissent aujourd'hui les industries culturelles.
Par la suite, nous envisagerons les différentes implications
de l'approche expérientielle, tant d'un point de vue méthodologique
que théorique.
« "Marchand" et "non-marchand"
dans l'économie des logiciels »
Pierre-André Mangolte
Université Paris 13, CNRS, France >>> Télécharger le texte de la communication
Dans un certain nombre d'activités de production et d'échange
de biens (et/ou de services) cohabitent deux sphères : une
sphère marchande et une sphère non-marchande. C'est
actuellement le cas pour l'économie des logiciels. Un grand
nombre de programmes (Apache, Linux, Firefox, etc...) sont en effet
produits en open source, sans investissement apparent, sans paiement
des contributions et sans vente directe des produits. Ceux-ci sont
en effet distribués en règle générale
gratuitement. Ces pratiques reposent sur un ensemble de licences (GNU-GPL,
licences BSD, MPL, etc.) qui représentent de véritables
innovations institutionnelles. Elles réorganisent en effet
le copyright (ou droit d'auteur) appliqué aux logiciels de
manière à accorder aux utilisateurs du programme des
droits d'usage particulièrement étendus, en sacrifiant
volontairement le droit patrimonial (fructus) du créateur du
code. Ces licences ont permis l'émergence et l'installation
dans la durée d'une certaine manière de produire et
de partager le code et les programmes, en dehors de toute transaction
marchande. Une véritable économie des logiciels libres
(free software) a été ainsi progressivement mise sur
pied en opposition aux stratégies "propriétaires"
plus classiques des éditeurs de progiciels (packages).
Parallèlement, un grand nombre de programmes ont été
et sont toujours, depuis longtemps, fournis gratuitement (comme freewares),
sans pour autant être des logiciels libres ou des logiciels
open source. On peut alors se poser la question de la "valeur
des logiciels" en tant que produits - valeur marchande et valeur
d'usage -, et aussi la question de leur "coût". Une
question qui fait intervenir des déterminants techniques généraux
(le logiciel comme code, "texte actif" ou fichier numérique),
mais aussi la place du code considéré dans l'ensemble
du système informatique, la définition particulière
des droits de propriété intellectuelle, la relation
existant entre le producteur et l'utilisateur de code (fourniture
d'un produit ou relation de service, etc.), ainsi que les modèles
économiques en présence.
Dans cette communication, nous voudrions analyser ces deux formes
alternatives, marchandes et non-marchandes, de production des mêmes
objets techniques, les logiciels. Après avoir posé la
question de la valeur des logiciels, et expliqué ainsi le phénomène
"freeware", ou la mise dans le domaine public de certains
codes, on cherchera à identifier les principales causes - techniques,
sociales, institutionnelles - du clivage "marchand/non-marchand"
dans la production et la distribution des programmes. Dans cette perspective,
on s'intéressera plus particulièrement au développement
d'une économie des logiciels libres, en distinguant les étapes
dans l'émergence et le renforcement de cette sphère
non-marchande de l'économie. On partira de l'innovation institutionnelle
initiale (les licences) pour retracer la mise sur pied des grands
projets open source à partir de réseaux étendus
de programmeurs-utilisateurs. Dans une deuxième étape,
un système de distribution des produits (non-marchande ou marchande)
est apparu. Plus récemment, la simple cohabitation des logiciels
libres et des logiciels sous droits de propriété restrictifs
(copyright et patents) cède la place à une articulation
plus complexe, où l'on voit des logiciels libres remplacer
des logiciels propriétaires, un abandon de certaines stratégies
propriétaires antérieures, mais aussi l'intégration
dans les modèles économiques des grandes firmes de l'industrie
de l'informatique de programmes directement issus du mouvement open
source.
« Musiques et industries : des mondes
de pratiques… »
Vincent Rouzé
Université Paris 8 - CEMTI, France
Dans le cadre de cette communication et à l’heure des
nombreux débats sur l’avenir de l’industrie musicale,
nous proposons de faire un pas de côté et d’aborder
ces thématiques sous l’angle des pratiques. C'est-à-dire
de considérer la musique non pas comme un « objet »,
mais comme le résultat construit de pratiques quotidiennes.
Au travers des jeux d’interactions entre productions culturelles
et usages quotidiens, entre stratégies et tactiques, se dessinent
non plus la Musique, mais des histoires de musique résultant
d’une multitude de médiations.
En nous appuyant sur une posture pragmatique critique, nous montrerons
dans quelle mesure ces dernières engagent des acteurs, des
lieux, des contextes situationnels.
L’étude de ces pratiques permettra de dessiner quelques
« hybridations musicales » depuis les années 80.
La première, relative à la production, portera sur l’évolution
du secteur musical. Dans un marché concurrentiel, les acteurs
ont développé des stratégies favorisant tantôt
la fusion des secteurs culturels, médiatiques et technologiques
appelant à des productions « homogénisées
», tantôt la naissance de structures de production et
de diffusion spécialisées (« des niches »)
valorisant la diversité et l’hétérogénéité.
La seconde concerne les usages et plus particulièrement l’impact
des NTIC sur nos « manières de faire » de la musique.
A la « discomorphose » se substitue aujourd’hui
ce que nous appellerons une « ordinomorphose ». La dernière
enfin concerne la place de la musique dans notre quotidien marquant
l’érosion des frontières entre les sphères
publiques et privées.
Pour terminer nous conclurons sur le fait que la musique n’est
pas tantôt l’instrument, tantôt la partition, tantôt
le disque, tantôt l’économie, tantôt sa médiatisation,
tantôt les pratiques amateurs et professionnelles, tantôt
les recherches universitaires, tantôt les critiques, mais elle
est un ensemble fait de tous ces éléments combinés
de manière formelle ou accidentelle. Bref, elle est un monde
de pratiques quotidiennes…
« La survie sociale des disques vinyles.
Une ethnographie des marchés secondaires, de la collection,
des médias de communautés virtuelles et du capital sub-culturel
en transition »
Gabor Valyi
Budapest University of Technology, Department of Sociology and Communication,
Centre for Media Research and Education, Hongrie
La musique enregistrée est en voie de dépasser la
phase où elle était achetée et vendue comme
un bien sous sa forme matérielle. Dans la lumière des
canaux émergents pour la distribution de musique en ligne,
même le disque compact devient obsolète, et d’autant
plus le disque vinyle, considéré par l’industrie
de la musique comme une forme de média morte depuis longtemps.
Ceci étant dit, la durée de vie de ces objets va néanmoins
au-delà de leurs phases initiales de produits commerciaux, pendant lesquelles
les compagnies de production les gardaient en circulation et les médias
musicaux se souciaient d’en écrire. Cette longévité matérielle
permet aux enregistrements de retourner dans la sphère des échanges
commerciaux comme des biens d’occasion.
Les marchés secondaires de la musique, sur lesquels les vinyles d’occasion
circulent, fonctionnent d’une façon presque indépendante
des industries de la musique et des médias qui avaient produit les enregistrements
et déterminé leurs prix et leurs significations potentielles par
les moyens marketing et de critique.
Les marchés secondaires sont en fait des économies sub-culturelles
indépendantes mobilisées par les cultures de collection qui se
concentrent autour de certains styles et goûts et développent leurs
réseaux de marché d’occasion pour les enregistrements ainsi
que pour d’autres médias sub-culturels liés à la collection
d’enregistrements (émissions radio, fanzines, magazines spécialisés,
blogs).
Avec la croissance de cette économie sub-culturelle, l’enthousiasme
d’amateurs souvent progresse vers des entreprises culturelles
commerciales ; le capital sub-culturel est converti en capital
financier.
L’infrastructure des médias est essentielle pour la
croissance et l’endurance de ces cultures de goût. L’arrivée
de l’Internet comme un médium bon marché et efficace
pour la communication entre communautés virtuelles
et pour l’échange économique a lié et
fortifié les communautés similaires du monde auparavant
isolées.
Ma recherche est une étude de cas illustrant la nature de
cette évolution de la technologie des médias de communauté et
ses conséquences sur la vie de certaines cultures transnationales
de collectionneurs en se focalisant sur ces questions :
- Comment l’économie sub-culturelle croissante et les
médias de communauté s’institutionnalisent ;
- Comment les acteurs établis de l’industrie culturelle
reconnaissent et profitent de la demande sub-culturelle croissante ;
- Comment le capital sub-culturel est-il re-conceptualisé et
redistribué au cours de ce processus ?
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