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«L’industrie
du jeu vidéo en ligne : construction et déconstruction
d’un loisir culturel »
Vincent Berry
Paris 13 >>> Télécharger le texte de la communication
L’objet de la présente communication n’est pas
directement une analyse des mutations des industries des loisirs
numériques - industrie trop jeune encore pour isoler ou repérer
des évolutions ou des ruptures spécifiques - mais de
la structuration de ce champ culturel et des son évolution
la plus récente : les jeux vidéo en ligne et
les mondes virtuels. Il s’agit non seulement de retracer
les grandes étapes de ce secteur mais aussi d’en montrer
les principaux acteurs sociaux et économiques et tous les
circuits présents qui structurent ces loisirs : la place
du circuit culturel, marketing, et technologique (Kline). Il s’agit également
d’analyser les modes de production et de réception de
ces produits, et d’en révéler les effets en terme
de culture et de construction culturelle. Car la rencontre entre
l’industrie des jeux vidéo et Internet a fait émerger
des nouveaux modes de consommation, de production et d’appropriation.
La place qu’occupent en effet les communautés de joueurs
sur Internet est essentielle et déterminante ; elle est
extrêmement présente aussi bien dans la consommation
des produits, la publicité que la conception (test, mise à jours,
créations, etc.). Internet est ainsi à la fois un espace
de création, de consommation, et de marketing (mais aussi
de distribution par la mise en place de plate-forme de téléchargement).
Tous les acteurs du marché sont ainsi centralisés,
partageant et habitant le même espace, réduisant de
fait les différentes - et traditionnelles - médiations
entre producteur et consommateur. Apparaît ainsi une nouvelle
consommation de produits culturels ludiques, dans une logique de « co-construction collective » voire
d’une « coopération » entre des
utilisateurs - souvent experts - et des éditeurs de logiciels.
Ces relations entre les divers acteurs sont tout autant génératrices
de création que de tension mais aussi de méfiance réciproque :
piratage, détournement, récupération, …
Pour comprendre les rapports qui s ‘établissent
ainsi entre émetteurs et récepteurs, nous proposons
donc de focaliser notre attention sur les industries des jeux vidéo
dans l’idée :
- de retracer brièvement les étapes de ce secteur ;
- d’analyser l’appropriation par les utilisateurs et
les consommateurs de ces produits culturels, les types d’organisation
sociales qui émergent de ces regroupements (les communautés
virtuelles) et le type de relation et de « négociation » qu’ils
entretiennent avec les éditeurs ;
- d’analyser les « tensions » qui existent
entre l’appropriation des jeux par les utilisateurs et les
stratégies, et les attentes des éditeurs et des concepteurs.
D’un côté, nous observons des « communautés
de pratiques » qui « s’accaparent » des
produits culturels. De l’autre, des éditeurs, des
concepteurs et des industries qui utilisent à la fois la
pratique de ces communautés comme ressource pour leur produit
(ex : le jeu vidéo counterstrike), mais qui doivent
dans le même temps ne pas être perçus comme « récupérant » les
productions communautaires. Les éditeurs de jeux vidéo
en ligne sont dans une double contrainte :
mettre à disposition et favoriser des espaces de prolongement
de leur produit, maîtriser et cadrer les productions des
internautes tout en laissant une certaine latitude et « auto-gestion » aux
utilisateurs ;
- d’analyser la façon dont ces communautés
impactent les offres.
Ce processus de construction d’un loisir culturel – ou
d’une sous-culture - n’est pas nouveau, et a pu être
observé dans d’autres pratiques ou productions culturelles
(Star Trek, romans photos). Mais il apparaît à l’étude
qu’elle est ici directe et plus encore elle prend parfois la
forme même du jeu, rendant ainsi les frontières entre
jeu et méta-jeux plus mince encore, où consommer ou
critiquer la consommation prennent les mêmes formes.
«Usage d’Internet et
production de rapports sociaux dans l’analyse comparée des
pratiques de lycéens de Paris et de sa banlieue »
Laurent Podetti >>> Télécharger le texte de la communication
Au travers de l’usage d’Internet, qu’en est-il
de la production et de la reproduction des rapports sociaux ? Assiste-t-on,
comme on le lit communément, à une mutation sociale,
la technique bouleversant l’ordonnancement social, ou bien la
société s’approprie-t-elle un nouvel outil de
communication en conservant ses structures, adaptant l’usage
à sa reproduction propre ? Choisissant le terrain de l’École,
encore peu exploré, c’est la pratique d’Internet
par des lycéens de Paris et de sa banlieue qui a été
questionnée. D’un point de vue méthodologique,
la recherche, évitant le cheminement de l’individualisme
méthodologique, a tenté de mettre en relation échelles
micro et macro, confrontant des pratiques personnelles de jeunes aux
grands invariants sociaux que sont l’institution familiale ou
scolaire. Les résultats montrent qu’Internet intervient
dans la fabrique de l’identité, participant au classement/placement
des jeunes en fonction de leur position sociale d’origine. Ainsi,
l’importance du capital économique de la famille conditionne
la pratique d’Internet, alors que le capital culturel des jeunes
en commande l’usage. Quant à l’institution scolaire,
son rôle est loin d’être neutre. En voulant généraliser
l’usage d’Internet, elle pérennise l’inégalité
de départ et elle influe sur la constitution du capital social,
puisque c’est essentiellement dans son cadre que se nouent les
relations que les jeunes entretiennent sur Internet. Un deuxième
résultat est à noter et qui touche aux représentations.
L’usage d’Internet est commandé par la croyance
que la technique est le facteur décisif du processus d’intégration
sociale. En conséquence, les représentations qui sont
faites d’Internet laissent entrevoir une certaine naturalisation
du mécanisme social rendue possible par l’usage d’un
outil de communication. À l’encontre de ce qui peut être
écrit en sciences sociales, l’étude ne met pas
en évidence une mutation sociale par l’usage de l’Internet.
En revanche, elle souligne l’existence de deux pôles –
inégalité sociale avérée et intégration
sociale escomptée – entre lesquels l’usage de l’Internet
est en tension. Cette torsion peut caractériser une société
qui change. L’étude de l’usage d’Internet,
d’une technique de médiatisation culturelle, mettrait
alors en évidence, non pas une nième mutation, mais
la continuation de la transformation sociale, la poursuite de l’installation
progressive de la « société industrielle ».
Poursuivant le raisonnement, se pourrait-il qu’Internet soit
cet outil efficace, facilitant l’incorporation d’un mode
de production social ? Internet participerait-t-il à une «
industrialisation » de la pensée ? L’incorporation
procèderait de l’occupation d’un temps particulier
né du système de production industrielle : le temps
de loisir. Moment "entre-deux", hors des obligations générées
par l’ordre social, moment ludique où le comportement
de la personne peut s’analyser en terme de stratégie
: liberté, autonomie, choix de son destin sont du ressort du
seul individu, rationnel. In fine, Internet rendrait possible une
socialisation par l’échange.
« Les usages des services multimédia
mobiles 2,5 G »
Florence Reynier
GRESEC, Université Stendhal – Grenoble 3, France >>> Télécharger le texte de la communication
L’objet de notre étude porte sur les usages des «
services multimédia mobiles » par les 18-25 ans. Par
« services multimédia mobiles », nous entendons
les services 2,5 G accessibles depuis les téléphones
Wap, MMS et i-mode. Nous nous sommes intéressée plus
particulièrement aux jeunes car ce public semble être
souvent précurseur en matière d’usage des nouvelles
techniques d’information et de communication et présente
une certaine homogénéité culturelle (on parle
de « culture jeune ») par rapport au reste de la population.
D’un point de vue théorique, notre travail s’appuie
sur la sociologie des usages des techniques d’information et
de communication. Dans le même temps, nous nous sommes également
servi de la sociologie de la jeunesse. Celle-ci nous a permis de comprendre
le rôle essentiel que joue la période de la jeunesse
dans la définition d’un univers social plus homogène
par ses pratiques culturelles. Enfin, nous avons utilisé une
approche technique pour comprendre les enjeux liés à
l’émergence des téléphones 2,5 G.
Dans le cadre de notre étude, nous avons envisagé les
services multimédia mobiles comme un complément et un
prolongement des techniques d’information et de communication
plus anciennes, soumis aux logiques des industries culturelles, qui
peuvent contribuer à l’émergence de nouvelles
pratiques culturelles, informationnelles et communicationnelles.
Notre but a été d’identifier les pratiques informationnelles
et communicationnelles des services multimédia mobiles par
les 18-25 ans. Il a été également de penser ces
pratiques en terme d’intégration/différenciation
des 18-25 ans à la « culture jeune ».
Les résultats de notre enquête nous ont permis de mieux
comprendre l’équipement et les motivations d’achat
des téléphones 2,5 G et l’utilisation de ces téléphones
par les jeunes. Le résultat le plus important que nous ayons
pu obtenir, est la constatation de deux profils d’usagers qui
ont des pratiques des services multimédia mobiles différentes
en fonction de leur équipement et de leur maîtrise de
l’informatique. Ces deux profils d’usagers se distinguent
également par leur appartenance à la « culturelle
jeune » et leurs caractéristiques socio-démographiques.
Le premier profil correspond aux « post-adolescents »
qui sont, par leurs usages des services multimédia mobiles,
dans une logique de l’informatique en réseau. Le second
profil est celui des « pré-adultes ». Ces jeunes
sont dans une logique du téléphone en mobilité.
Les services multimédia mobiles offrent de nouveaux moyens
de communiquer (e-mail, chat, MMS) avec un téléphone
mobile. Les pratiques des services de communication multimédia
mobiles se différencient en fonction de l’appartenance
des jeunes à un réseau social équipé en
téléphones mobiles 2,5 G. Dans le premier cas, les «
post-adolescents » ont ainsi des usages en réseau de
ces services qui leur permettent de mettre en place des pratiques
innovantes comme la « photo-communicante » alors que dans
le second cas, les « pré-adultes » ont des usages
solitaires qui limitent leurs pratiques des services communicationnels.
Enfin, nous avons pu constater que les services multimédia
mobiles permettent d’avoir des pratiques informationnelles et
communicationnelles plus ou moins individualisées. Les «
post-adolescents » sont dans une logique de production individualisée
de contenus, alors que les « pré-adultes » sont
plus dans une logique de consommation individualisée des services
proposés par les opérateurs.
«Réseaux :
des pratiques et des outils émergents, et la mutation des
industries culturelles »
Adrienne Russel
University of Southern California, Annenberg Center, Etats-Unis d’Amérique
Ces développements font partie du plus grand phénomène
de “network publics” et peuvent être classés
en 3 tendances principales : l’augmentation de la distribution
de M2M, grâce aux listes d’abonnés et aux blogs
collectifs ; l’époque de l’information et de la
culture en réseau ; et l’augmentation de l’organisation
sociale P2P par le développement du réseau social et
des outils collectifs d’auteur. La limite pour publier et répandre
les connaissances et la culture au grand public a été
réduite et même la communication banale, les histories
personnelles et les travaux d’amateurs peuvent être rendus
facilement disponibles à un public non défini. Ceci
veut aussi dire que les outils de coordination de la production de
la connaissance et de la culture sont plus facilement accessibles
à un public moyen et les gens n’auront plus besoin d’une
structure institutionnelle formelle afin d’allier énergie
et ressources pour produire de la culture et de la connaissance avec
les autres de manière coordonnée. Ces développements
ont produit un remarquable accroissement d’opportunité
pour la production culturelle amatrice (non-institutionalisée)
et collective (distribuée au public). Après avoir présenté
les problèmes actuels que les polémiques qui planent
autour de ces nouvelles formes de productions et d’échanges
culturels, je passe en revue certains cas principaux de production
culturelle en amateur en réseau dans les domaines de la culture
populaire, de la publicité et des nouvelles.
«Entre gamme d’usages, dispositifs
et personnalisation :qu’est devenu l’usage prescrit ?
»
Françoise Paquienséguy
Université Paris 8, CEMTI, France >>> Télécharger le texte de la communication
L’article de Lacroix, Tremblay et Moeglin sur « Usages
de la notion d’usage » marquait très clairement
l’antériorité de l’offre industrielle dans
le processus de formation des usages. Cependant, il est bien entendu
que les procédés d’innovation à l’œuvre
en amont de la mise en marché, dans les unités de R&D,
de prospective et d’élaboration de scénarios d’usages
inscrivent déjà dans l’objet technique à
venir la marque forte du social et concrétisent, cristallisent
diraient certains…, les évolutions de la vie quotidienne
et de ses pratiques culturelles, communicationnelles, informationnelles
qui nous intéressent ici.
Dans une période féconde en « nouveaux médias
» et « nouvelles technologies de l’information et
communication » (1982-1990), l’analyse des usages s’est
en partie construite sur la notion d’usage prescrit, inscrit
dans la technique par les stratégies industrielles et marketing
des constructeurs, imprimant à chaque outil sa fonction, à
chaque service sa finalité ; les travaux de Boullier sur le
mode d’emploi, ceux de Jouët bien sûr appuient les
phases d’appropriation des TICs sur l’usage prescrit,
auquel l’usager se conforme, ou pas. En effet, l’usage
se construit par rapport à celui prescrit à l’achat,
dans l’objet technique lui-même, mais aussi dans ses modalités
de vente ; c’est ainsi qu’apparaissent des comportements
de résistance [Laulan, 1985], de détournements [Charon,
1988 ] ou d’invention [De Certeau, 1980] à la formation
des usages des Ntic.
Il nous semble aujourd’hui que l’offre est plus complexe
à lire. En effet, elle est marquée par plusieurs changements
majeurs étudiés par l’ACI. Ainsi, les modalités
de conception et de mise en marché se transforment et s’accélèrent
et en même temps les contenus évoluent, se déclinent
sur plusieurs familles de terminaux et de réseaux et s’adjoignent
des services ; le contenu a gagné en mobilité et en
portabilité (téléchargement, numérisation,
copie, transfert…). Par ailleurs, certains traits s’accentuent,
comme l’interactivité des terminaux (déjà
mise en avant par Jouët en 1993) permettant à l’usager
d’en avoir une utilisation personnalisée (paramétrée)
; ou encore la capacité des Tic numériques à
fonctionner en dispositif, ici défini comme une « plate-forme
haut débit raccordant des terminaux hétérogènes
à des services et de contenus diversifiés » [Lequeux-Rallet,
2004] ; ou enfin comme la compétence technique des utilisateurs
alliée à la simplification des manipulations, qui entraîne
une meilleure maîtrise des Tics utilisées là où
les difficultés de maniement limitaient les usages développés
il y a encore peu [Miège-Bouquillion-Séguy, 2003].
Ces changements nous poussent à nous interroger sur la notion
d’usage prescrit. Tout d’abord, dans quoi est-il véritablement
inscrit : dans l’offre technique ? Dans les modalités
de commercialisation ? Dans la construction de l’offre marchande
(alliance équipementiers, opérateurs ou FAI et fournisseurs
de contenus et de services) ? Dans les pratiques en cours, c’est-à-dire
en quelque sorte dans l’usage légitimé par la
majorité utilisatrice ? Et comment est-il inscrit : sur le
principe éphémère d’un phénomène
de mode ou bien sur celui, bien plus lent, d’usages émergeants
? (Que restera-t-il des MMS par exemple ?). Les Tics commercialisées
aujourd’hui, (les Tics connectées et non les appareils
lecteurs comme un MP3 ou un DVD portable) offrent un spectre d’usages
plus large et diversifié, l’offre est « souple
», « malléable » car les opérateurs
sont à la recherche des usages, des usages porteurs ; d’ailleurs
une partie de leurs stratégies consiste à accompagner
la consommation et à s’adapter aux usages en formation
sur la base d’observations des « technophiles »
ou des « premiers adoptants » ; le succès du téléchargement
des sonneries pour mobile montre bien la réactivité
de l’offre ; le développement des blogs (et des logiciels
qui les supportent) pourrait aussi servir d’exemple.
Comment donc « contourner » l’usage prescrit dès
lors que les limites, les frontières sont poreuses, voire inexistantes
entre les matériels, les contenus, les services… En piratant
?
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